Quels sont les supports pour investir la trésorerie d’entreprise au sein d’une société assujettie à l’IS ? Quelles conséquences comptables et fiscales peut avoir le choix des supports sur le résultat de la société ?
Le choix du support selon l'horizon d'investissement
La trésorerie excédentaire d’une société peut être investie sur des supports adaptés à l’horizon de placement, au niveau de risque acceptable et à la disponibilité souhaitée par ses dirigeants. Les supports d’investissements potentiels sont variés, en particulier :
des placements monétaires : type compte à terme (CAT), compte sur livret (CSL) ;
des comptes-titres : gestion sous mandat (titres vifs, OPCVM, ETF, etc.), produits structurés, FCPR et FPCI, etc. ;
le contrat de capitalisation ;
des solutions immobilières : parts de SCPI en pleine propriété, usufruit de parts de SCPI, immobilier en direct, Girardin immobilier (outre-mer), etc.
La trésorerie peut aussi être investie sur des actifs affectés à l’exploitation de la société, par exemple, pour l’acquisition de l’immobilier d’entreprise.
Avant d’envisager de placer ces sommes, il convient de s’interroger sur la nécessité de les maintenir au sein de la société et sur les conséquences d’une sortie éventuelle. La sortie des capitaux peut se faire via une distribution de dividendes, le remboursement des comptes courants d’associés, ou une réduction de capital. Elle peut être coûteuse, mais nécessaire selon les cas.
Attention : Dans certains cas, le maintien et la gestion de trésorerie au sein de la société peut générer des difficultés pour bénéficier de régime de faveur notamment en matière :
d'IFI (sont imposables les actifs immobiliers détenus en direct, via une société à proportion de la valeur actuelle des biens immobiliers non affectés à son exploitation, via des UC immobilières en contrat de capitalisation, via des parts de SCPI, etc.) ;
d'exonération Dutreil en cas de transmission à titre gratuit (prépondérance de l'activité opérationnelle) ;
de qualification d'holding animatrice (afin de bénéficier de certains régimes d'exonération).
1. Compte à terme et compte sur livret
Le compte à terme est un placement principalement à court terme. Il propose un taux d’intérêt contractuel fixe (voire progressif) sur toute la durée du placement. Les intérêts de ce type de placement sont rattachés comptablement à la période pour laquelle ils ont couru, quand bien même, ils seraient encaissés sur l’exercice suivant. Fiscalement, ces intérêts courus, même non échus, sont imposés annuellement au taux d’IS en vigueur.
2. Compte titres - OPCVM
Le compte titres permet d'investir sur des supports diversifiés, tels que les actions, obligations, fonds structurés, OPCVM, etc. Ce placement peut être réalisé à court, moyen ou long terme.
Comptablement
Les règles prudentielles « classiques » s’appliquent :
les titres sont inscrits individuellement au bilan pour leur valeur d’origine ;
les gains latents (par titre) ne sont pas pris en compte dans la détermination du résultat comptable ;
les pertes latentes (par titre) font l’objet d’une provision annuelle déductible de la base de l’IS (à l'exception des moins-values latentes sur les titres de participations) ;
les intérêts ou coupons acquis sont comptabilisés annuellement.
Fiscalement
Pour les titres « classiques », les règles fiscales suivent les règles comptables. Une exception concerne cependant les OPCVM investis à moins de 90 % en actions de sociétés de l'UE. Pour ces OPCVM, les variations de valeurs (gains latents et pertes latentes) sont retenues chaque année pour la détermination du résultat fiscal.
Ainsi pour les titres « classiques » :
les gains latents ne sont pas imposés chaque année, mais uniquement au moment de la vente des titres ;
les moins-values latentes par rapport au prix d’acquisition d’origine sont prises en compte pour la détermination du résultat fiscal en raison des provisions fiscalement déductibles qu’elles génèrent. La reprise d’une provision devenue sans objet augmente corrélativement la base imposable ;
les dividendes sont imposables l’année de leur acquisition ;
les coupons obligataires ou assimilés sont imposables selon la règle des intérêts courus et non échus.
Quelques Cas particuliers
Produits structurés
Le traitement fiscal et comptable des plus-values (ou moins-values) des produits structurés au sein d’un compte titres diffère selon la nature du produit : OPCVM ou non.
Les gains ou pertes latentes sur un OPCVM sont imposés chaque année.
Les gains ou pertes latentes sur un EMTN (titre de créance) sont imposés au moment de la cession.
En revanche, le traitement des coupons est généralement identique dans la mesure où l’acquisition de ces coupons annuels reste aléatoire : ils sont donc imposés l’année de leur perception (et non en « coupons courus » s’ils ne sont pas certains).
Parts de FCPR et FPCI "fiscaux"
Comptablement
Une société qui détient des FCPR/FPCI « fiscaux » (CGI. art. 263 quinquies B, II ou III bis) ou des FCPR qui respectent les conditions des OPCVM « actions » (investis pour au moins 90 % en actions) peut choisir de ne pas inclure dans son résultat fiscal de fin d’exercice l'écart de valeur liquidative constatée.
Si tel est le cas, elle est réputée avoir pris l’engagement de conserver les FCPR/FPCI au moins 5 ans à compter de leur acquisition.
Si la société cède les parts des FCPR/FPCI avant l’expiration du délai de 5 ans, l’IS des années antérieures est rectifié afin d’imposer, pour chaque exercice, les plus-values latentes.
Par ailleurs, une taxe spéciale est due en plus de l’IS sur les plus-values latentes. Cette taxe spéciale est calculée, pour chaque exercice redressé, en appliquant à l’impôt redressé un taux de 0,75 % par mois.
Remarque : Pour les FPCR et FPCI "classiques", le traitement des plus ou moins-values suit celui propre aux OPCVM "classiques" : les plus-values sont donc constatées à chaque exercice.
Fiscalement
Lorsque le FCPR cède lui-même des actifs, qu’elle intervienne pendant ou après le délai de conservation, la distribution des actifs du fonds sans annulation des titres est :
exonérée à concurrence du montant des sommes investies (ou du prix d’acquisition, s’il diffère) par l’investisseur. On considère donc que les répartitions d’actifs remboursent en priorité les apports effectués par l’investisseur ;
imposable pour le surplus entre les mains de l’investisseur :
au taux réduit de 15 % des plus-values à long terme (PVLT) sur une assiette égale à la différence entre :
le montant des apports réalisés par l’investisseur depuis au moins 2 ans à la date de la distribution,
et le montant des apports réalisés au jour de la distribution.
au taux des plus-values à court terme (taux normal de l’IS) : pour leur quote-part non éligible au régime des plus-values long-terme.
Les distributions liées à la vente de titres de participation au sein du fonds sont exonérées. Il s'agit des titres détenus par le fonds depuis au moins 2 ans, et représentant au moins 5 % de la société émettrice ou des titres de participation sur le plan comptable.
La plus-value générée par la société à l'IS à la vente des parts du FCPR/FPCI relève du régime des PVLT à la double condition que les parts du fonds aient été détenues pendant au moins 5 ans et que le fond ait été un FCPR « fiscal » pendant les 5 années précédant la cession.
Si les conditions précédentes ne sont pas respectées, les plus-values de cession relèveront du régime des plus-values à court terme et seront taxées au taux normal d'IS.
3. Contrat de capitalisation
Le contrat de capitalisation permet de diversifier le patrimoine de l'entreprise ou de la société grâce aux nombreux supports disponibles (actions, obligations, immobilier, OPCVM, fonds en euros sous conditions, etc.).
Il s'agit d'un placement à moyen, voire long terme (entre 4 et 30 ans) ; cependant, il est possible de procéder à des rachats anticipés.
Comptablement
Les règles classiques régissent la comptabilisation de ce placement :
le contrat de capitalisation est inscrit au bilan comme un placement unique (même en présence de plusieurs unités de compte en son sein) pour sa valeur d’origine,
les gains latents (sur l’ensemble du contrat) ne sont pas pris en compte dans la détermination du résultat comptable (sauf pour les rares contrats mono support en euros),
les pertes latentes (sur l’ensemble du contrat) font l’objet d’une provision annuelle déductible de la base de l’IS.
Fiscalement
Une imposition forfaitaire annuelle est prévue, avec une régularisation à terme ou en cas de rachat partiel :
la société est imposée annuellement sur une base forfaitaire qui correspond à 105 % du dernier TME connu au jour de la souscription, quelle que soit la variation réelle du contrat et même en l'absence de rachat. Cette imposition constitue une simple avance. Ce TME reste fixe pour toute la durée du contrat ;
lorsque la valorisation globale du contrat en fin d’exercice est inférieure à sa valeur d’acquisition, la moins-value latente donne lieu à une provision, fiscalement déductible ;
en cas de reprise de provisions, cette dernière entre dans la base taxable à l’IS ;
l’année du rachat, l'imposition est régularisée en comparant le gain déterminé forfaitairement chaque année et le gain réellement acquis sur le contrat depuis sa souscription. L’écart, positif ou négatif, participe à la base imposable de l’année du rachat. En cas de rachat partiel, cette régularisation intervient proportionnellement à la fraction rachetée du contrat.
A savoir, le contrat de capitalisation peut être souscrit directement par la société, ou cédé (voire apporté) par un associé à la société.
4. SCPI en pleine propriété
Les SCPI permettent d'accéder au marché de l’immobilier locatif en mutualisant les risques.
Il s'agit d'un investissement à long terme, plus ou moins liquide en fonction des conditions du marché secondaire des parts. Par ailleurs, des frais de souscription importants sont généralement prélevés à la souscription.
Comptablement
La société IS inscrit au bilan les parts de SCPI pour leur valeur de retrait :
la valeur d’acquisition est inscrite à l’actif ;
les frais d'acquisition doivent logiquement être passés en charge l’année de la souscription.
Aucun amortissement ne peut être constaté sur ces parts sociales.
Notez que la SCPI elle-même n’amortit pas ses immeubles. La valeur d’inscription reste inchangée pendant toute la durée de détention des parts de SCPI.
A savoir, les frais d'acquisition des parts de SCPI peuvent être passés à l'actif du bilan de la société l'année de souscription (sans bénéficier de l'amortissement). En revanche, la valeur vénale de l'actif est diminuée du montant des frais dès son inscription au bilan. Ainsi, afin de refléter la valeur réelle de l'actif il conviendra de passer, parallèlement, une provision du montant des frais de souscription.
Fiscalement
La société qui détient ces parts n’est pas imposée sur les revenus perçus. Celle-ci est imposée sur :
les loyers nets de charges encaissés par la SCPI ;
les plus-values de cession des immeubles vendus par la SCPI ;
la plus-value réalisée en cas de vente des parts.
Les revenus et plus-values des SCPI sont taxés à l'IS (ils ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux).
Remarque : Lorsque la SCPI dégage une plus-value immobilière sur la vente de l’un de ses actifs, cette plus-value est imposable dans la société qui détient les parts de cette SCPI :
la société IS ajoute à son résultat fiscal le montant de la plus-value réalisée par part (et non perçue) sur laquelle elle sera taxé au taux d’IS. Ainsi, la société IS paye un impôt sur des sommes non perçues ;
la SCPI verse aux personnes morales au moins l’équivalent de l’impôt payé par elle pour le compte des personnes physiques associés.
Le prix de revient fiscal des parts de SCPI doit être réévalué au moment de la revente des parts. Le prix d’origine inscrit au bilan comptable doit ainsi être revalorisé de la plus-value taxée mais non perçue.
5. Usufruit de SCPI
L'usufruit de parts de SCPI permet d'accéder aux rendements d’actifs immobiliers sans courir le risque d’immobilisation au terme convenu de cet usufruit. La durée de l'investissement peut être choisie en fonction des besoins de la société (5, 10, voire 15 ans). Parfois, le dirigeant d’entreprise acquiert la nue-propriété des parts dont la société achète l’usufruit. Notez que l’opération ne constitue ni un transfert de trésorerie au profit de son dirigeant, ni une sortie définitive de trésorerie de la société. Cette solution n’est donc normalement pas susceptible d’être requalifiée par l’administration fiscale en abus de droit ou en acte anormal de gestion, si la valeur de l’usufruit est correctement fixée et si l’équilibre de rendement des deux parties est respecté.
Comptablement
La société IS inscrit au bilan l’usufruit des parts pour leur valeur d’acquisition. La société usufruitière peut amortir le droit d'usufruit qu'elle détient sur les SCPI (en effet, l'usufruit est, par définition, limité dans le temps qu’il soit temporaire ou viager).
Remarque : Si l'usufruit est viager, il sera tenu compte des tables de mortalité pour estimer la durée d'amortissement.
Fiscalement
La société usufruitière est imposée sur l’ensemble des revenus (loyers, revenus de placement des disponibilités de la SCPI) au taux d'IS. La plus-value immobilière issue de la cession d’un immeuble par la SCPI est plutôt imposable chez le nu-propriétaire. Cependant, il convient de s’assurer de la pratique de la société de gestion de la SCPI.
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